La
laïcité est-elle un réel problème ou sous couvert de laïcité ne
cherche-t-on pas à étouffer des projets antireligieux bien plus
pervers ?
La
séparation des Églises et de l’État de 1905 a basculé de nos
jours dans un climat de rejet, dans des contraintes et des
oppositions comme entre la sphère privée et la sphère publique.
Les principes laïques véhiculés engendrent des incompréhensions
et des tensions dans les collectivités, voire entre voisins. Les
libres-penseurs s'érigent contre les droits individuels et les
devoirs de tout citoyen et au lieu de répondre à une gestion
positive du multiculturalisme, ils ne font que créer une ambiance
des plus obscures et envenimer les débats.
Jean
Baubérot, professeur émérite spécialiste de la sociologie des
religions, est revenu sur le grand débat relatif à l'enseignement
de la morale laïque à l'école. Son article est paru dans
lemonde.fr
du 10 septembre 2012 : Redonnons
à la morale laïque toute son actualité.
« Il
est réjouissant de constater que le projet du ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon d'enseigner la morale laïque à
l'école induit un riche débat. Pourtant certaines des positions
adoptées restent imprécises.
La
notion même de "morale laïque" est contestée de divers
côtés. Elle renvoie pourtant à une page importante de notre
histoire : à la fin du XIXe
siècle et au début du XXe
siècle, la République a réussi à établir la démocratie en
France, ce qui, vu les conflits qui ont jalonné le XIXe
siècle, n'était pas gagné d'avance. L'instauration des libertés
publiques (liberté de la presse, de réunion, syndicale, droit au
divorce... et, en 1905, liberté de conscience) est allée de pair
avec l'enseignement de la morale laïque. On peut donc s'inscrire
dans cette filiation, tout en renouvelant le fond et la forme, face
aux défis actuels. Pourquoi limiterait-on le "devoir de
mémoire" à ce qui s'est passé d'inadmissible ? On donne alors
raison aux détracteurs d'une sempiternelle "repentance".
Contre
l'imposition sociale de l'amnésie rappelons que la morale laïque
n'a pas seulement socialisé aux bases morales nécessaires pour
pouvoir vivre ensemble, ce qui est déjà indispensable. Elle a
contribué à forger un citoyen démocratique. L'analyse des cahiers
d'écolier permet de savoir comment elle s'y est prise. Ses
principaux thèmes ont été la mise en valeur du caractère
inconditionnel de la dignité humaine, l'aspect fondamental de la
solidarité, l'importance de la réciprocité entre droits et
devoirs, et entre liberté et responsabilité.
Elle
a su aussi, pour l'essentiel, pratiquer une
laïcité respectant la liberté de conviction de chacun.
[…]
La liberté de l'un
doit toujours s'arrêter à la liberté de l'autre,
mais l'articulation des deux libertés s'effectue dans un contexte
différent de celui de 1789, et de façon diverse suivant les lieux :
la rue n'est pas l'école ni le terrain de foot.
[…]
Le problème des discriminations ne peut être mis sous le boisseau,
et les élèves sont sensibles à celles qu'ils subissent. Ont-ils
pour autant conscience que respecter le travail du personnel de
service, ne pas l'alourdir par la transgression de règles de
propreté et d'ordre, constitue déjà une lutte contre des formes
feutrées de discrimination ?
[…]
Bien sûr, cet enseignement soulève aussi des problèmes, tel celui
du décalage entre les valeurs prônées par l'école et les valeurs
(ou non-valeurs) en cours dans la société. Mais il serait puéril
de croire que l'enfant et l'adolescent n'ont pas, de toute façon,
conscience d'un tel décalage. »
Pour reprendre les propos de Jean Baubérot, un petit manuel très simple sur le bon sens, un vrai code moral non religieux répondra pleinement aux questions sur la transgression de règles de propreté et d'ordre.
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