lundi 1 octobre 2012

Morale laïque : quelles valeurs ?

La laïcité est-elle un réel problème ou sous couvert de laïcité ne cherche-t-on pas à étouffer des projets antireligieux bien plus pervers ? 
 
La séparation des Églises et de l’État de 1905 a basculé de nos jours dans un climat de rejet, dans des contraintes et des oppositions comme entre la sphère privée et la sphère publique. Les principes laïques véhiculés engendrent des incompréhensions et des tensions dans les collectivités, voire entre voisins. Les libres-penseurs s'érigent contre les droits individuels et les devoirs de tout citoyen et au lieu de répondre à une gestion positive du multiculturalisme, ils ne font que créer une ambiance des plus obscures et envenimer les débats.
 
Jean Baubérot, professeur émérite spécialiste de la sociologie des religions, est revenu sur le grand débat relatif à l'enseignement de la morale laïque à l'école. Son article est paru dans lemonde.fr du 10 septembre 2012 : Redonnons à la morale laïque toute son actualité.
 
« Il est réjouissant de constater que le projet du ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon d'enseigner la morale laïque à l'école induit un riche débat. Pourtant certaines des positions adoptées restent imprécises. 
 
La notion même de "morale laïque" est contestée de divers côtés. Elle renvoie pourtant à une page importante de notre histoire : à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la République a réussi à établir la démocratie en France, ce qui, vu les conflits qui ont jalonné le XIXe siècle, n'était pas gagné d'avance. L'instauration des libertés publiques (liberté de la presse, de réunion, syndicale, droit au divorce... et, en 1905, liberté de conscience) est allée de pair avec l'enseignement de la morale laïque. On peut donc s'inscrire dans cette filiation, tout en renouvelant le fond et la forme, face aux défis actuels. Pourquoi limiterait-on le "devoir de mémoire" à ce qui s'est passé d'inadmissible ? On donne alors raison aux détracteurs d'une sempiternelle "repentance".
Contre l'imposition sociale de l'amnésie rappelons que la morale laïque n'a pas seulement socialisé aux bases morales nécessaires pour pouvoir vivre ensemble, ce qui est déjà indispensable. Elle a contribué à forger un citoyen démocratique. L'analyse des cahiers d'écolier permet de savoir comment elle s'y est prise. Ses principaux thèmes ont été la mise en valeur du caractère inconditionnel de la dignité humaine, l'aspect fondamental de la solidarité, l'importance de la réciprocité entre droits et devoirs, et entre liberté et responsabilité.
Elle a su aussi, pour l'essentiel, pratiquer une laïcité respectant la liberté de conviction de chacun. 
 
[…] La liberté de l'un doit toujours s'arrêter à la liberté de l'autre, mais l'articulation des deux libertés s'effectue dans un contexte différent de celui de 1789, et de façon diverse suivant les lieux : la rue n'est pas l'école ni le terrain de foot. 
 
[…] Le problème des discriminations ne peut être mis sous le boisseau, et les élèves sont sensibles à celles qu'ils subissent. Ont-ils pour autant conscience que respecter le travail du personnel de service, ne pas l'alourdir par la transgression de règles de propreté et d'ordre, constitue déjà une lutte contre des formes feutrées de discrimination ?
[…] Bien sûr, cet enseignement soulève aussi des problèmes, tel celui du décalage entre les valeurs prônées par l'école et les valeurs (ou non-valeurs) en cours dans la société. Mais il serait puéril de croire que l'enfant et l'adolescent n'ont pas, de toute façon, conscience d'un tel décalage. »
Pour reprendre les propos de Jean Baubérot, un petit manuel très simple sur le bon sens, un vrai code moral non religieux répondra pleinement aux questions sur la transgression de règles de propreté et d'ordre.

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