mercredi 24 février 2016

Daesh et les méthodes de "manipulation mentale"



CAP Liberté de Conscience – Il est souvent dit que Daesh utilise les mêmes méthodes de manipulation mentale que les sectes, mais sans jamais préciser quelles sont ces fameuses méthodes. Ne s’agit-il pas tout simplement des mêmes méthodes utilisées couramment par les hommes politiques, les publicistes, les démarcheurs, enfin tous ceux qui ont quelque chose à vendre ?

Régis Dericquebourg – Le discours sur les Islamistes armés et en particulier sur leurs convertis remet à la mode la notion de « manipulation mentale » qu’on applique au recrutement des groupes religieux minoritaires. Cette notion est souvent connectée à celle de « lavage de cerveau », « d’emprise mentale » ou, dans la reprise de la loi mussolinienne du Plaggio par la France, « l’état de sujétion ». Toutes ces notions ne trouvent pas d’application juridique, sauf la dernière qui a été appliquée à un numérologue trop faible pour la contester. Cela a permis une jurisprudence à bon compte puisqu’il ne pouvait pas aller très loin dans le jeu juridique. Il n’avait pas les moyens de croire en la justice de son pays, comme on dit. On reprend aussi la notion de « dérives sectaires » en disant que les activités des Islamistes violents sont des dérives sectaires de l’Islam. Cette expression n’a pas non plus de fondement juridique mais elle est répétée à l’infini. On l’applique aux Témoins de Jéhovah, aux protestants évangéliques, à l’Aumisme, à l’Église de la Scientologie, mais je pose la question : en quoi Daesh, Boko Haram, Aqmi peuvent-ils ressembler à ces mouvements ? La notion de dérives sectaires pose problème. Si on découvre un cas de pédophilie ou de malversation dans une « secte », on dira que c’est une dérive sectaire, mais si on regarde le nombre d’affaires de pédophilie ou d’opacité financière dans les Eglises établies, je dirais plutôt que ce qui se passe dans une « secte » n’est qu’une dérive ecclésiale. De même, une question d’abus financier dans une « secte» n’est-il pas une dérive politique, dans la mesure où la corruption et l’extorsion d’argent via la fiscalité pour le rendre aux peuples sous la forme de la misère est l’apanage des politiciens ? La violence est monopolisée par les Etats et les délinquants, et non par les dites sectes.

Les notions précitées de manipulation mentale et de dérives sectaires permettent de remettre en selle des méthodes psychologiques ou autres dites de « déradicalisation », qui peuvent s’apparenter aux méthodes de « déprogrammation » faites à la demande des familles. Ces méthodes coûteuses n’ont rien déprogrammé du tout mais elles ont définitivement coupé les convertis de leur famille. En plus, elles ne fonctionnent pas. Je renvoie au livre de Dirk Anthony et Massimo Introvigne : Le lavage de cerveau. Mythe ou réalité paru chez L’Harmattan, qui fait une synthèse intéressante sur tout cela et que devraient lire nos « déradicalisateurs ». Les « déprogrammeurs » ont parfois été emprisonnés car ils séquestraient les convertis, sauf au Japon semble-t-il, où la police intervient peu, considérant que c’est une affaire familiale privée. Cela concerne les convertis au moonisme, pour lesquels les familles font appel aux « déprogrammeurs » parce que la conversion de leur enfant ne leur plaît pas. Human Rights Without Frontiers Int. s’est déplacé au Japon pour vérifier cela et faire un rapport qu’on peut lire sur son site. Si le gouvernement décide de « déradicaliser » les convertis, on va voir arriver tous les malins avec leur méthode miracle, attirés par les subventions, c’est-à-dire par l’argent des contribuables. Pour les dites sectes, j’ai autrefois fortement critiqué une expérience commandée par un directeur du ministère des Affaires sociales à un de ses amis qui se prétend psychanalyste. En gros, ils vont utiliser ce qu’on appelle « la réforme de la pensée » qu’on utilise dans les thérapies cognitives. C’est simpliste, inefficace et faussement scientifique.

Pour terminer de répondre à votre question, chez Daesh il y a certainement un processus d’influence qu’on trouve dans toute propagande religieuse, commerciale ou politique, c’est-à-dire une exposition à un message et la mise en place d’une rhétorique, c’est-à-dire d’un argumentaire construit pour être persuasif.

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