lundi 13 juin 2016

La présomption d'innocence dans les médias

Médias et justice ne font pas bon ménage.

Ce constat nest évidemment pas nouveau. Depuis plusieurs années, et de façon quasiment récurrente, la justice se plaint de lattitude des médias, notamment dans le cadre daffaires judiciaires. A la recherche du scoop et de sensationnalisme, une partie de la presse semble parfois prête à tout pour diffuser une « information » (cette qualification étant parfois toute relative).

Et lorsquun potentiel scandale concerne un homme politique ou une personnalité publique, lappétit des médias semble encore plus important, pouvant aboutir à un réel lynchage médiatique condamnant sans nuance un individu. Pourtant, il devrait exister un garde-fou important : la présomption dinnocence.

Édouard Cruysmans, assistant à lUniversité catholique de Louvain, assistant à lUniversité Saint-Louis Bruxelles, doctorant et spécialiste de ces questions, éclaire les enjeux de ce débat.

Récemment, la presse s’est emparée de ce que l’on qualifie désormais de l’« affaire Luperto », du nom de l’ancien Président du Parlement de la Communauté française. Il n’a suffi que de quelques plaintes déposées à son encontre pour lancer la machine médiatique, aboutissant à condamner hors des prétoires cet homme politique. Et pourtant, celui-ci demeure présumé innocent…

Le principe de la présomption d’innocence est un des fondements du procès pénal. Inscrit à l’article 6, alinéa 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, il implique que toute personne soit présumée innocente, et traitée comme telle dans le cadre d’un procès équitable, jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie.

Le respect de la présomption d’innocence s’applique évidemment au juge, lorsqu’il officie.

En revanche, aucune disposition légale ne contraint, en Belgique, le journaliste au respect de ce principe. Les médias ne peuvent cependant ignorer totalement la présomption d’innocence. Dans un arrêt du 29 août 1997 (Worm c. Autriche), la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé que « les personnalités connues sont en droit de bénéficier d’un procès pénal équitable tel que garanti à l’article 6, ce qui, en matière pénale, comprend le droit à un tribunal impartial. Les journalistes doivent s’en souvenir qui rédigent des articles sur des procédures pénales en cours, car les limites du commentaire admissible peuvent ne pas englober des déclarations qui risqueraient, intentionnellement ou non, de réduire les chances d’une personne de bénéficier d’un procès équitable ou de saper la confiance du public dans le rôle tenu par les tribunaux dans l’administration de la justice pénale ».

Outre cet enseignement de la Cour, le journaliste doit avoir égard à plusieurs règles déontologiques qui, sans exiger expressément le respect du principe de la présomption d’innocence, le souhaitent indirectement.

En effet, dans le Code de déontologie journalistique du 16 octobre 2013, adopté par le Conseil de déontologie journalistique, plusieurs dispositions précisent notamment que les journalistes « respectent la vérité », « ne déforment aucune information », qu’ils « tiennent compte des droits de toute personne mentionnée explicitement ou implicitement » et que « l’urgence ne dispense pas les journalistes de […] mener une enquête sérieuse ». Le texte souligne encore que, « lorsque des journalistes diffusent des accusations graves susceptibles de porter atteinte à la réputation ou à l’honneur d’une personne, ils donnent à celle-ci l’occasion de faire valoir son point de vue avant diffusion de ces accusations ». En d’autres termes, la présomption d’innocence ne peut être négligée par le journaliste, celui-ci devant l’intégrer dans une analyse davantage rigoureuse et prudente de l’information.

Le non-respect de ces règles déontologiques ne peut, à lui seul, aboutir à une condamnation civile du journaliste. Toutefois, gardons à l’esprit que le journaliste doit adopter un comportement suffisamment prudent et diligent pour éviter la commission d’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil, c’est-à-dire engageant sa responsabilité civile. Dès lors qu’un juge analyse le comportement adopté par un journaliste en comparaison avec le comportement qu’aurait adopté le journaliste suffisamment prudent et diligent dans les mêmes circonstances, le respect des dispositions déontologiques est alors pris en compte.

Constatant cette absence d’obligation légale et souhaitant éviter le détour par les règles déontologiques, certains juges ont considéré que le principe de présomption d’innocence ressortit de la protection du droit à l’honneur et à la réputation ou plus largement du droit à la vie privée. Dès lors, une atteinte à la présomption d’innocence peut constituer une atteinte à l’honneur ou la réputation d’une personne, ce qui peut aussi aboutir à une condamnation civile du journaliste sur la base de l’article 1382 du Code civil.

Enfin, certains auteurs plaident pour une consécration plus large de la présomption d’innocence : ils souhaiteraient que ce principe soit reconnu comme un droit opposable à tous, permettant alors de limiter la liberté de la presse. Il n’est évidemment pas question de museler la presse, mais simplement de garantir à tout individu le respect de sa présomption d’innocence, évitant alors certaines dérives dévastatrices de la presse.


L'association Des jeunes pour les droits de l'Homme utilise des outils (livrets, DVD, etc) reprenant les 30 articles de la Déclaration universelle des droits de lHomme des Nations Unies afin que ces droits deviennent une réalité.

Le philanthrope Ron Hubbard a écrit ces mots : « Le jour où nous pourrons tous avoir confiance les uns dans les autres, la paix régnera sur terre. »

Aucun commentaire: